vx.exhib.a

L’écriture de virus informatiques m'a toujours fasciné. Loin de moi l'idée de créer des programmes destructeurs et malveillants, bien sûr, mais lorsque l'on est attentif, la créativité dont font preuve les programmeurs de logiciels auto-réplicatif est affolante. Pour contourner les antivirus, cacher l’infection d’une machine ou, surtout, pour se manifester à l’utilisateur, ils rivalisent d’inventivité et parfois même d’humour. L’idée même d’un logiciel capable de se « reproduire » et de se transmettre automatiquement d’une machine à une autre sans intervention extérieure m’est bouleversante.

Ces logiciels peuvent avoir des impacts sur la géopolitique mondiale, l’imagerie qu’ils véhiculent fait aujourd’hui partie de l’imaginaire collectif, l’idée du virus informatique est chargée de symboles, un musée en ligne leur est même dédié et pourtant le sujet ne semble pas avoir beaucoup été embrassé par les artistes.
Les Computer-virus de Joseph Nechvatal sont des images de virus, le programme Biennale.py, réalisé par le coupe Mattes et le collectif [epidemic], donne à voir "l'objet virus", et loveLetter.vbs reading du même collectif exploite davantage le langage et la symbolique du virus informatique que le virus lui-même le virus comme entité technique. Mais le virus à un comportement, des caractéristique expressives.

Lorsque les gens sont malades, disons, de la grippe, on remarque qu'ils adoptent un comportement de malade. Ils ont l'air fatigués et éternuent dans des mouvements brusques. Quand la maladie agit, le corps réagit et des mouvements apparaissent qui révelent un état de maladie à tout observateur. En contaminant les individus sains à proximité du malade, le virus prend corps dans une chaine d'états comportemantaux, un réseaux de gestuelles patraques.
Les machines aussi ont de comportements et s'il existe un comportement de malade chez les humains, alors les machines peuvent aussi adopter une attitude de malade et être nauséeuses. Des robots qui tombent malades les uns après les autres, qui se mettent à gigoter au fur et à mesure qu'un virus informatique les contamine, est une image que je trouve attrayante et l'idée d'un logiciel qui manifeste son existence au travers de chorégraphies de moteurs, de comportements hératiques, brusques et répétitifs ou ralentis et fatigués, me semble ouvrir des perspectives artistiques interessantes.

A la pensée de robot éternuants les uns après les autres, le logiciel auto-réplicatif se révèle être un média capable de se manifester dans l'action de moteurs équipé de cette forme expressive, il devient utile dans un travail de création artistique au dela de sa seule imagerie et peut se déployer dans une metempsycose à l'intérieur d'un espace d'exposition. Il peut être pensé comme une création artistique, une proposition immatérielle qui s'incarne spatialement dans les comportements successifs des autres pièces exposées.
Il nous faut ici imaginer un scénario dans lequel un tel virus peut être acteur. Pour mener à bien notre expérience, il est nécéssaire d'identifier une cible, un système particulier susceptible d'être attaqué par notre programme. Le virus doit d'abord se focaliser sur des installations qui mettent en scène des mouvements. Les objets à comportements me semblent alors être de bonnes cibles et il se trouve que j'ai réalisé plusieurs installations qui mettent en scène des objets à comportements et dont le fonctionnement technique interne est chaque fois similaire. Faites de plusieurs éléments motorisés, ceux-ci s'activent en fonction d'informations transismes sur un réseau suivant une architecture client-serveur. Prenons "Toasters" et "Fans(gisants)". Dans ces deux installations, les éléments (grille-pain ou ventilateurs) sont connectés, par WiFi, à un serveur central. Ce dernier, un Raspberry-pi, crée un réseau WiFi et transmet des instructions à toutes les machines qui y sont connectées.

Déja, on se fait une idée précise de notre cible. Que ce soit "Toasters" ou "Fan(gisants)" le virus peut atteindre les moteurs qui agitent l'installation à partir du serveur. Pour être fonctionnel, le virus doit alors chercher à se transmettre de Raspberry-pi en Raspberry-pi. Comme chaque installation possède son propre réseau Wifi, il doit d'abord se connecter à celui-ci avant de trouver le serveur et l'infecter. Ensuite il doit intercepter les requetes envoyées par le serveur et les modifier pour perturber l'action des moteurs.

Toutes ces opérations demandent du temps. Pour se connecter au réseau WiFi, puis pour pour accéder au serveur il faut bruteforcer les mots de passe. En conditions réelles, de telles opérations peuvent prendre des mois, voire des années. Les contraintes techniques font de ce projet un malware inopérant et sans grand intérêt. Néanmoins, les dimensions spatiales et temporelles d'une maladie qui se déplace d'installations en installations fondent une réflexion quasi-curatoriale : une épidémie dans une exposition d'art numérique! Le programme-virus peut en effet être envisagé comme un protocole pour les machines exposées qui, elles, peuvent être conçues de façon à accepter l'infection. Dans cette exposition infectée, les pièces sont programmées suivant une architecture client-serveur. Elles utilisent chacune un réseau WiFi qui leur est propre et auquel tous les éléments d'une installation sont connectés. Un serveur, propre à chaque installation, transmet des informations aux éléments motorisés et délenche ainsi l'action des moteurs.

Enfin, dans cette exposition, il y a un patient zéro. Une pièce conçue pour incarner le virus et servir de base à son déploiement dans l'exposition. Au fur et à mesure de la durée de l'exposition le programme contenu dans le patient zéro va infecter les différentes installations et faire adopter à celles-ci des comportements malades. Les comportements se déplacent d'installation en installation, tout au long des scans WiFi et des attaques par bruteforce, et le programme prend forme dans une lente évolution de mouvements.